Ce qui est, ce qui sera, ce qui fut – Chapelle XIV

CE QUI EST, CE QUI SERA, CE QUI FUT – Exposition Personnelle à la galerie Chapelle XIV

« En feuilletant Nympha moderna de Georges Didi-Huberman, une phrase en fin d’ouvrage a retenu mon attention : Ce qui est, ce qui sera, ce qui fut. Cet adage, prononcé par les muses, filles de Mnémosyne, tiré de la Théogonie d’Hésiode, déploie trois temps d’un verbe, trois dimensions qui se suivent, se croisent, s’entrelacent. Il s’est imposé comme une évidence pour nommer cette exposition, concentrant les éléments essentiels de mes recherches récentes autour de l’événement, du geste et de l’archive.

Depuis plusieurs années, je photographie des objets du quotidien. L’observation de ces vêtements et autres accessoires, proches du corps et imprégnés de ses postures, déclenche un besoin de suspendre le réel en une prise. Entre image et sculpture, mon travail explore ces transitions d’un état vers un autre. La cuisson d’une pièce en terre elle aussi fige le mouvement. Du perçu immédiat vers l’image, de l’image vers le volume, s’exerce une perpétuelle renaissance de la matière.

L’exposition se déploie entre sculptures (céramique, verre, bronze) et collages photographiques. Ces pièces partagent une même dynamique : celle d’une condition passagère vers une forme de permanence.

Les sculptures Monolithes Urbain, In Between et Move to Zero, en grès émaillé, ouvrent le parcours de l’exposition. Inspirées de rebuts urbains à l’échelle 1 – cartons, tissus, plastiques – elles font écho au paysage de la ville autant qu’à nos habitudes de consommation.

Ce jeu entre recouvrement et révélation se prolonge dans la série Demi-jour, réalisée en pâte de verre. Ici, le papier bulle destiné à protéger les œuvres devient lui-même sculpture. À chaque strate, une métamorphose : ce qui était voile devient présence.

Arrachées de murs d’exposition, les photographies endommagées qui composent la série Double-âge sont découpées, juxtaposées, puis recollées. Ainsi, les vestiges sont reconfigurés dans un nouvel espace de perception.

Enfin, l’œuvre Gestes sur gestes cristallise la notion de survivance, fil conducteur de ma pratique. Une modeste pile de gants de travail abandonnés sur mon établi, modelés en terre avant d’être fondus en bronze. Ces reliques racontent mes gestes, ceux des assistants et nos manipulations successives, qui s’additionnent comme les couches d’un temps partagé, érigées en monument discret de l’atelier.

Usures, empreintes et interventions collectives façonnent ce qui fut, ce qui est, et ce qui sera. »

– Ninon Hivert

©GregoryCopitet